Le bail à ferme a été réformé cet été 2019 et les nouvelles dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 2020. Quelles en sont les principales modifications ? Retour sur une aventure législative que Terre-en-vue a tenté de suivre de près depuis 2014, avec ses partenaires au sein de la plate-forme foncier agricole (PFFA).
Pourquoi une réforme du bail à ferme ? La réforme est partie du constat que le marché locatif a fini par se bloquer : les grandes protections du locataire étaient malheureusement trop souvent utilisées de manière abusive et les propriétaires étaient de moins en moins favorables à mettre leur terres à bail. Résultats ? Prolifération de contrats temporaires et de sociétés de gestion, précarisant l’accès à la terre. Il était donc nécessaire de rétablir un meilleur équilibre et de sanctionner les abus. Terre-en-vue y voyait aussi l’opportunité d’inclure des clauses environnementales pour permettre aux parties de s’accorder sur certaines modalités de gestion.
Première amélioration proposée par la réforme : dorénavant, il n’y aura plus de bail oral. Tous les contrats devront être écrits et enregistrés, ce qui permettra d’éviter les discussions quant à la date de début et de fin de contrat et de surprendre les parties concernant l’existence d’un bail. L’enregistrement contribuera, à terme, à compléter les données de l’observatoire du foncier (actuellement focalisé sur les ventes de terres). Les baux oraux en cours devront être consignés par écrit dans un délai de 5 ans, au risque d’être considérés comme des baux commençant
une troisième période de neuf ans de bail au 1er janvier 2020.
La réforme visait également à mettre fin à différents abus, notamment : en supprimant le droit de préemption (droit de priorité en cas de vente) quand l’agriculteur-locataire est âgé de plus de 67 ans, qu’il bénéficie d’une pension de retraite et qu’il n’a pas de repreneur sérieux ; en introduisant une sanction effective en cas de sous-location ; en mettant fin aux cessions privilégiées jugées abusives (en cas de vente de la terre) ; en imposant la notification obligatoire en cas d’échange de parcelles et en facilitant le congé au preneur pensionné (inversion de la charge de la preuve).
Ensuite, le nœud de la réforme a concerné la durée du bail, souvent considéré par les propriétaires comme « perpétuel ». Une durée maximale a été introduite à 36 ans (3 renouvellements de 9 ans).
Enfin, concernant les aspects environnementaux, la réforme a intégré un état des lieux obligatoire, qui permettra de mieux considérer les éventuels dommages causés ou les améliorations apportées au bien. Les deux clauses environnementales précédemment autorisées (relatives à la fertilité du sol et au maintien de certains éléments identifiés dans l’état des lieux) ont été renforcées par l’introduction d’une sanction en cas de non-respect. Certaines autres clauses pourront également être introduites par certaines organisations ou dans certaines zones. C’est dans ce cadre que notre coopérative a explicitement été reconnue comme une organisation spécifique, avec des droits spécifiques. À ce sujet, la réforme n’a pas été à la hauteur de nos demandes, dans la mesure où Terre-en-vue ne pourra pas intégrer dans un bail à ferme, toutes les clauses actuellement incluses dans la servitude environnementale à laquelle elle recourt.
Quoi qu’il en soit, nous savons que ce n’est pas nécessairement par le contrat de bail que nous soutiendrons une transition agroécologique, même si cela aurait pu être un moyen (avec la limite de son aspect privé, au contraire des législations qui s’appliquent à tous). Il nous semble que la transition agroécologique passera avant tout par la transmission des savoirs et les expérimentations sur le terrain, que nous soutenons par l’organisation d’ateliers et de rencontres au sein de notre commission agroécologique et par le rapprochement entre agriculteurs et citoyens, qui reste le cœur de nos missions.
Pour toute information concernant le bail à ferme et la réforme, vous pouvez contacter :
Zoé Gallez- zoe@terre-en-vue.be.