Le projet « Mobiliser les terres publiques » porté par Terre-en-vue et CREDAL a démarré en mai 2021 dans le cadre d’un objectif de « relocalisation de l’alimentation » financé par la Région wallonne (Belgique).
Les terres publiques ce sont, en Wallonie, près de 8 % des surfaces agricoles - ce sont les propriétés d’opérateurs publics : communes, CPAS, fabriques d’églises, intercommunales, services publiques, etc. Elles sont particulières : elles constituent un « bien commun », et, symboliquement - puisque financées par ces citoyens - elles appartiennent aux citoyens.
L’implémentation d’une nouvelle législation sur le bail à ferme qui exige des opérateurs publiques la mise en place de baux écrits d’ici 2025 est une opportunité pour ces propriétaires de faire l’état des lieux de leur patrimoine agricole. C’est aussi une opportunité pour Terre-en-vue d’accompagner ces communes, CPAS, … dans la définition d’une véritable « politique foncière agricole publique ». En effet, peu d’opérateurs publics ont une telle politique ou une véritable intention dans le cadre de la gestion de ces terres (outre le revenu lié aux fermages).
Dans le cadre de ce projet de « mobilisation des terres publiques », nous co-construisons avec ces opérateurs les objectifs d’une telle gestion. Et ils sont nombreux, pertinents et ancrés dans la réalité des citoyens (agriculteurs et consommateurs) de leur territoire : il s’agira entre autres de favoriser l’installation de jeunes agriculteurs, de pérenniser l’accès à la terre de certains autres, de lutter contre l’érosion ou les inondations, de renforcer le maillage écologique, de soutenir une alimentation relocalisée et de fournir les citoyens consommateurs de la commune, voire de soutenir des emplois de ré-insertion socio-professionnelle.
L’objectif de ce projet est de soutenir les opérateurs publics dans l’inventaire des terres publiques (peu d’entre eux connaissent et maîtrisent totalement leur patrimoine agricole), dans les modes de contractualisation avec les agriculteurs, dans les modes d’attribution des terres aux agriculteurs, et dans la construction de projets au service des citoyens. Il s’agit véritablement d’une recherche-action, valorisant les expériences et savoirs de chacun.e et favorisant leur mutualisation. Terre-en-vue, avec son partenaire, se veut être le facilitateur de cette re-mise en mouvement des terres publiques.
Les défis sont importants, les propriétaires publiques motivés et sensibilisés. Le contexte général soutient la relocalisation de l’agriculture et de l’alimentation, le confinement « covid » ayant exacerbé cette prise de conscience.
Depuis plusieurs années, des acteurs de terrain (notamment les « ceintures alimentaires », qui, organisées autour de grandes villes, ré-organisent les filières d’approvisionnement alimentaires, mais également les coopératives citoyennes, les maraîchers,…) se mobilisent dans ce sens. Le contexte est aussi celui du renouvellement d’une génération d’agriculteurs : selon certaines estimations, dans les 5 ans c’est de l’ordre de 3500 fermes qui (théoriquement) seront à remettre, leur gestionnaire atteignant l’âge de la retraite. En effet, on estime que 60 % des agriculteurs ont plus de 60 ans (dont 30 % plus de 70 ans) et environ 50 % n’auraient pas de repreneurs. Parmi eux, certains sont locataires de terres publiques. La terre publique et les opérateurs publiques peuvent donc être des leviers pertinents pour identifier et accompagner ces agriculteurs aînés, sans repreneur, et favoriser la transmission de leur exploitation vers un.e jeune plutôt que le démantèlement de leur ferme au profit de l’ agrandissement d’une exploitation voisine.
A ce jour, Terre-en-vue a été en contact direct avec plus de 250 acteurs de terrain (notamment via des webinaires), dont une 50aine d’opérateurs publics qui ont démarré l’une ou l’autre des étapes nécessaires à la réalisation de cet objectif : comprendre les problématiques foncières des agriculteurs, réaliser un diagnostic agricole, identifier, caractériser et cartographier les parcelles disponibles ou occupées, rechercher les baux et accords locatifs, recenser les porteurs de projets agricoles et stabiliser ceux dont le contrat est trop précaire… pour in fine, augmenter l’emploi et la production agricole sur la commune tout en répondant aux besoins sociaux, économiques et environnementaux de la commune.
Le défi est grand et la connaissance de ce patrimoine agricole encore insuffisant. Les outils réglementaires sont à peaufiner et améliorer alors que les processus sont complexes et juridiquement ardus. Le personnel public est motivé tout en ayant besoin de soutien, et les synergies entre acteurs de terrain sont à renforcer encore et toujours plus… Ceci étant, les opérateurs publics sont conscients qu’ils ont un rôle à jouer pour soutenir l’agriculture et relocaliser l’alimentation. Et nous leur en sommes reconnaissants.