Depuis quelques jours, le rapport 2020 de l’Observatoire du foncier agricole est en ligne. Un outil important pour l’existence duquel Terre-en-vue a longtemps milité et qui est en place depuis 2017.
Les notaires ont depuis lors l’obligation de transmettre à l’Administration wallonne les informations concernant les ventes de terres, ce qui permet l’établissement d’un rapport annuel.
Ce rapport doit permettre d’objectiver l’évolution du prix des terres, afin d’orienter les politiques de régulation des ventes de terres. L’écueil à éviter est de pousser les prix à la hausse en dévoilant des pratiques de prix trop élevés.
Le problème est que les notaires possèdent donc les chiffres et qu’avant que la Wallonie ait le temps de les analyser, ils sortent leur « baromètre », dont les chiffres peu nuancés, ont tendance à faire croire à une explosion du prix des terres.
Cette édition 2020 est, jusqu’ici, passée quasi inaperçue - médiatiquement parlant, en tout cas. Pourtant, il est important que ces chiffres circulent et surtout, qu’ils soient commentés. Que, chaque année, sa parution soit l’occasion de remettre sur le devant de la scène médiatique la problématique d’accès à la terre agricole en Belgique.
L’impact et l’importance des chiffres
Commenter, oui, mais pas n’importe comment ! Car publier des statistiques concernant la hausse du prix des terres agricoles n’est jamais anodin. Que du contraire. En voici la preuve :
Début août dernier, les titres de presse Le Soir et l’Avenir Luxembourg relayaient les chiffres parus dans le Baromètre des Notaires concernant les terres agricoles en Belgique.
Ce baromètre mettait en évidence une explosion des prix en se basant sur l’évolution de la moyenne des prix, tout type de terre confondue, dont les terres mixtes, composées partiellement de terres à bâtir. Or, les prix des terres situées entièrement en zone agricole sont très différents (au moins un tiers plus bas) et bien qu’une hausse soit observée et doit être dénoncée, elle n’est pas à la mesure de ce qui avait été dit.
Mais les conséquences sont immédiates pour nos agriculteurs : par exemple, Sébastien Noël (Ferme du Muselbur). En diffusant ces moyennes de prix plus que discutables, la presse lui a causé - probablement par ignorance - de gros problèmes : Sébastien était alors en cours de négociation avec des propriétaires pour la vente d’une terre. Il lui est désormais impossible de négocier cette acquisition au prix initialement annoncé : les propriétaires se référent désormais au prix moyen relayé dans les articles de presse - un prix bien trop élevé pour des terres en province du Luxembourg.
Cet impact négatif est soit méconnu soit totalement sous-estimé. Or, il est urgent de sensibiliser aussi à ces conséquences dramatiques. Il en va de la pérennité de nos fermes à taille humaine, celles-là même qui sont et seront à même de nous nourrir.
Alors, certes, le rapport de l’Observatoire est perfectible (1). Mais il a le mérite de proposer une analyse objective et relativement détaillée de l’évolution de la situation foncière en Wallonie. Il importe donc d’encourager son amélioration ET de cesser la publication, parallèlement à ce rapport, de baromètres aux chiffres sommaires qui causent bien des dégâts sur le marché acquisitif des terres agricoles, renforçant encore la spéculation sur ces terres. Or, les prix de vente des terres agricoles demandés par les propriétaires - qui ne cessent d’augmenter - n’ont plus aucune relation avec le chiffre d’affaires que peut générer un agriculteur sur cette terre.
Retrouvez les chiffres-clés 2020
Pour les plus assidus et les amoureux des tableaux de chiffres, voici le lien vers le rapport 2020 complet de l’Observatoire.
En 2019, 3 652 ventes ont été notifiées, représentant 6 847 hectares de terres dont 3 501 hectares étaient des terres non bâties situées entièrement en zone agricole
Pour rappel, nous disposons en Wallonie d’une surface agricole utile de 719 000 hectares.
A retenir en parcourant le rapport : de grandes différences existent entre les terrains situés entièrement en zone agricole et ceux qui ne le sont pas (situés en zones urbanisées ou urbanisables). De même, il existe une forte différence, à fortiori, si le terrain comprend du bâti ou non, mais aussi si le terrain est libre d’occupation ou soumis à un bail à ferme ou s’il s’agit d’une prairie versus une terre de culture. Quelques exemples de nuances qui font toute la différence !
(1) Il ne parle encore que trop de moyennes (et non de médianes ou d’écarts-types à la moyenne), dans un marché où les disparités sont grandes. A noter également que la plus petite unité géographique prise en compte dans l’Observatoire est l’arrondissement, bien plus grand qu’une commune et sans lien avec la réalité agricole du territoire (qualité du sol), alors même qu’on peut observer des variations de prix importantes d’une commune à l’autre.