26 jan 2023

Assises de la Terre 2022 - nos positions et recommandations


Les 16, 21 et 29 novembre 2022 derniers ont eu lieu les Assises de la Terre, convoquées par le Ministre Willy Borsus (Ministre de l’agriculture de la Région wallonne). Son constat et son ambition en amont de ces Assises :

« L’accès (direct ou indirect) au foncier pour nos agriculteurs est de plus en plus complexe et coûteux.

Cette difficulté met en péril l’exploitation d’une partie des agricultrices et agriculteurs et, pour certains jeunes, elles rendent le projet d’installation fragile voire impossible.

Sur base de ce constat, le Ministre wallon de l’Agriculture, Willy BORSUS, a décidé de lancer les Assises de la Terre en présence de toutes les parties prenantes afin de dégager des pistes de solution pour aider nos agriculteurs à faire face au défi que représente l’accès à la terre. » - Extrait du communiqué du 14.11.2022

Nous avons assisté aux trois séances des Assises, même si nous n’avons pu y prendre la parole au-delà des échanges de questions-réponses en fin de séances (la liste des intervenants était réglée à l’avance, le public plutôt restreint). En amont, et en aval, nous avons soumis notre position au Ministre et à son équipe et l’avons présenté au sein du réseau Agroecology in Action. Un travail de plaidoyer, en somme, que Terre-en-vue mène depuis ses débuts - et va renforcer courant 2023.

Si nous avons fait le pari de ne pas faire de "bruit" en amont des Assises, nous tenions à vous livrer ici certaines de nos revendications - avec une version plus "didactique" que la note très technique envoyée au Ministre. Car si nous ne retenons qu’une chose de ces Assises, c’est que le marché du foncier n’est pas prêt d’être réformé et que notre plaidoyer est toujours aussi pertinent pour rappeler à nos élus l’importance de s’attaquer à l’accès à la terre avec des outils accessibles. Si les points ci-dessous vous inspirent et que vous souhaitez plus d’information, notre collègue Mary Guillaume se tient à votre disposition pour toute question ! (mary@terre-en-vue.be)

Les points essentiels de notre positionnement

Les terres publiques

  • Celles-ci représentent quelques 8% de la surface agricole utile en Wallonie et sont notre patrimoine commun. A ce titre, elles doivent jouer un rôle d’exemplarité et apporter des solutions aux enjeux prioritaires d’installation de jeunes agriculteurs et le maintien de l’agriculture familiale.
  • Le Code wallon de l’Agriculture (2014) prévoit une gestion coordonnée de ces terres publiques, mais la mission n’est pas encore prise en charge. Terre-en-vue soutient le renforcement des moyens alloués à la Direction de l’Aménagement foncier rural (DAFOR) et la création d’un nouvel organisme d’intérêt publique (OIP) chargé de prendre cette gestion à bras le corps. Dans ses missions, cet OIP devrait :
    • gérer les terres publiques sur base d’un cadastre mis à jour, en actualisant les données liées aux baux à ferme et en s’assurant de la mise à disposition dans les règles de l’art ;
    • observer la situation foncière sur les terres publiques, via des cartographies à l’échelle communale, et faire un diagnostique local des priorités ;
    • outiller et former les pouvoirs publics afin qu’il s’approprient les enjeux du foncier agricole ;
    • favoriser l’installation et la transmission des terres en identifiant les candidats à la reprise, et accompagner le cédant ;
    • réguler le marché acquisitif en se dotant d’un fonds foncier qui permettrait d’activer le droit de préemption déjà prévu mais non-activé, avec ou sans révision des prix ;
    • concevoir un véritable statut juridique pour les terres, et plus encore pour les terres publiques, lesquelles constituent un patrimoine commun à préserver !

La régulation du marché acquisitif

Pour Terre-en-vue, il est urgent de s’attaquer à l’augmentation des prix du foncier, dûe en partie à l’absence de régulation sur le marché acquisitif. A l’heure actuelle, il n’existe en effet aucune régulation du marché acquisitif , ni capacité pour les pouvoirs publics et les agriculteurs d’être informés en amont des transactions allant s’opérer en vue de disposer d’une capacité d’intervention, pour mener à bien la politique foncière reprise dans l’article D. 1er du Code wallon de l’Agriculture. Une régulation doit être considérée comme un faisceau de règles qui, combinées, régulent le marché (et pas forcément comme un outil de contrôle absolu). Parallèlement à la mise en place d’un OIP tel que mentionné plus haut, nous pensons par exemple à :

  • un mécanisme de notification de cessions en amont par les notaires ;
  • une incitation aux propriétaires de signaler leur intention de vendre, permettant ainsi aux candidats d’avoir tout simplement l’accès à l’information (aujourd’hui, seul un bon réseau permet d’y avoir accès) ;
  • une interdiction des ventes publiques de terres agricoles sur Biddit (conduisant à des surenchères intenables) ;
  • la taxation de la plus-value en cas de revente si la terre n’a pas été conservée dans le patrimoine pendant 15 à 20 ans ;
  • une coordination entre le baromètre des notaires et le rapport de l’Observatoire du foncier agricole pour éviter les impacts négatifs que peut avoir le baromètre sur le prix des terres.

L’Observatoire du foncier agricole

Celui-ci a le mérite d’exister, mais doit aller plus loin - et doit compléter ses données :

  • en y développant un volet spécifique aux terres publiques, via un cadastre et un inventaire, qui reprendrait également les modes de mise à disposition ainsi que le suivi des transactions ;
  • en y éditant la valeur agricole des terres : en définissant des prix de référence par zone agricole ;
  • en précisant la nature agricole ou non du bâti (hangar, étable, habitation, ...) ;
  • en intégrant l’âge des acheteurs sur le marché acquisitif, surtout s’ils sont agriculteurs.

Les outils de planification

Nous entendons par ces outils le Code wallon de l’Agriculture, la déclaration de politique régionale du début de législature ainsi que le Schéma de développement territorial (en cours de révision) Et soulevons notamment :

  • l’absence de mise en œuvre des outils et leviers annoncés par le chapitre IV du Code wallon de l’agriculture (excepté l’Observatoire) ;
  • la nécessité d’inclure une définition de l’agriculteur actif et de l’agriculture familiale ;
  • le besoin urgent de s’atteler à la problématique de la transmission des fermes ;
  • la nécessité de mettre l’accent sur la protection des terres pour leur fonction agricole et alimentaire dans le futur Schéma de développement territorial

En guise de brève conclusion, Terre-en-vue insiste sur la priorité absolue de préserver les outils agricoles (fermes & terres) qui vont être cédés dans les années à venir à des jeunes agriculteurs. Sans accès à la terre, pas de relève. Sans relève, plus de fermes à taille humaine !

Crédit photo : Page Facebook - Willy Borsus